Richard Gasquet Vs Dustin Brown Montpellier 2015 : Comment jouer l'injouable?

Au tennis, l’obtention d’un bon classement ATP représente un objectif majeur pour chaque joueur de l’élite.

Les joueurs classés parmi le top 100 ont l’avantage non négligeable d’intégrer directement les tableaux du grand chelem s’assurant au passage une certaine sécurité financière.

Si le rang obtenu représente aux yeux des joueurs un moyen de gagner leurs vies via leurs passions, aux yeux des spectateurs, il constitue plutôt un moyen de juger de leurs niveaux.

Il est vrai que le classement ATP permet de donner une certaine idée de la performance d’un joueur mais se focaliser uniquement sur cet aspect est trompeur.

Tout d’abord parce que le classement d’un joueur fluctue selon les surfaces de jeu et donc les différentes périodes de l’année.

Certains joueurs surperforment sur des surfaces (exemple des Sud-américains sur terre battue), là ou d’autres joueurs pourtant mieux classés enchainent les contres performances sur d’autres surfaces.

La question du classement ATP d’un joueur se complexifie davantage lorsque l’on réalise que le niveau d’un joueur peut grandement osciller au cours d’un même match.

Selon certains coachs du circuit ATP, un joueur du top100 joue en général quelques matchs incroyables au sommet de son art mais également une poignée de matchs catastrophiques au sein d’une même saison. Cela étant dit, le « niveau moyen » de jeu d’un joueur étant globalement stable, il est possible pour un joueur d’avoir une idée assez précise du niveau de jeu de son adversaire.

Il existe cependant des exceptions à la règle : Dustin Brown en est une.

Brown est d’ailleurs et avant tout une exception dans un monde du tennis bien souvent jugé trop lisse, au sein duquel les styles de jeu se ressemblent de plus en plus au fil des années.

D’origine Jamaïcaine, Dustin Brown n’est pas un joueur de tennis, plutôt un artiste.

Le « rasta » du circuit ATP dénote de par ses longues dreadlocks mais surtout et avant tout de par son type de jeu.

Il est difficile d’attribuer un style au jeu au Jamaïcain tant la palette de coups du magicien est vaste, on mentionnera cependant sa capacité à effectuer des enchainements service volley plus particulièrement sur gazon.

Ayant voyagé de tournois en tournois à bord de son Van, Brown s’éloigne du stéréotype du joueur bien rangé aux jeux propre. Pas question d’attendre bien sagement la faute de son adversaire, Dustin Brown lui préfère créer, tenter et expérimenter des coups tout aussi incroyables qu’improbables.

Déjà bien connu pour avoir éliminé Rafael Nadal au deuxième tour de Wimbledon, Brown demeure une énigme pour tout membre du top 100, capable du meilleur comme du pire.

Ce dimanche 7 février 2016, à l’occasion des demi-finales du tournoi de Montpellier, Richard Gasquet alors classé 10ème mondial, est bien conscient que son adversaire peut lui faire vivre tout type de scénario.

Ce que le Français ignore en revanche, c’est que son adversaire va littéralement survoler la rencontre durant les 40 premières minutes du match.

Brown est sur son nuage, Richard en paye les frais.

Passing shot en bout de course, volley-reflexe, coup droit surpuissant, tout y passe. Le Jamaïcain va même jusqu’à smasher les balles de son adversaire pourtant déjà faute, provoquant le fou rire des commentateurs.

Gasquet est désemparé, sans solutions le Français subit de plein fouet les assauts de son adversaire qui lui infligera un jeu de retour gagnant en fin de premier set.

Au tennis, on a l’habitude d’utiliser le mot « highlight » pour désigner les points spectaculaires d’un match.

Les 40 premières minutes du match Brown-Gasquet peuvent être considérées comme une succession d’highlights tant le Jamaïcain fait parler sa magie sur le court central.

Malgré un score sans appel de 6-1 3-0, Dustin Brown retombera dans ses travers, ne pouvant conserver un tel niveau de jeu sur l’entièreté du match.

C’est donc à la surprise générale que Gasquet renversera la vapeur remportant ainsi la rencontre sur le score de 1-6 6-4 6-3.

À la manière d’un boxer, le Français aura su encaisser les coups avant de brillamment rétorquer lorsque son adversaire semblait faiblir.

Brown s’est approché du divin durant la première partie du match avant de s’écrouler, synonyme de son inconsistance.

À quelle hauteur un joueur peut-il se hisser lorsqu’il est au sommet de son art? Ce dimanche 7 février 2016 , malgré sa défaite, Dustin Brown semble avoir répondu à cette question dans un match qui restera aujourd’hui encore considéré comme unique.